• Oct 13, 2025

Quand le feu fatigue : entre le lieu et le chemin (POV)

Parfois, le feu qu’on allume pour les autres épuise celui qu’on portait.
Quand cela arrive, il faut savoir écouter le silence du brasier pour le ranimer.”
Un moment de bascule où les murs que j’ai rêvés — L’Entr2Mondes — me rappellent qu’ils ont accompli leur rôle.
Le feu n’est pas mort. Il change de forme.


Aurillac : six ans de construction, six ans de transmission

Depuis six ans, j’ai dédié ma vie à la culture à Aurillac.
J’ai vu des jeunes monter sur scène pour la première fois, trembler, s’épanouir.
Avec les ateliers open mic, on a fait naître des lives, des concerts, des clips, des plateaux partagés, des collaborations improbables.
On a emmené des jeunes artistes pour leurs premiers dates au sismographe et même au prisme, parfois devant plus de 2 000 personnes.
On a écrit une page de la scène locale.

Mais dans toute cette effervescence, j’ai reproduit un vieux réflexe :
celui du sauveur.
Toujours donner, toujours maintenir, toujours réparer.
Et à force de sauver les autres, j’ai fini par m’oublier comme artiste.


Le cycle du Tarn : mourir pour renaître

Avant Aurillac, il y a eu le Tarn.
Une époque où tout s’est effondré.
J’avais quitté la route, les free parties, la vie en camion.
Je venais de plusieurs années à vivre entre squats et écolieux, dans la débrouille, dans le froid, dans la fatigue des luttes sociales et relationelles.
Je me suis retrouvé dans une petite maison délabrée qui prenait l’eau, au cœur du Tarn.
C’est là que j’ai touché le fond.

Mon corps avait lâché. Mon esprit aussi.
Il fallait que tout s’écroule pour que je voie ce qui tenait encore.
Mais c’est dans cette nuit-là que quelque chose s’est rallumé.
Ce passage a été ma phase alchimique : la mort symbolique avant la transmutation.

Je me suis relevé.
J’ai décidé de retourner à l’école — pas pour un diplôme, mais pour comprendre comment vivre de mon art sans m’y perdre.
J’ai appris la gestion de projets culturels, les rouages administratifs, la construction de structures viables.
J’ai redonné forme à ce que j’avais appris sur la route.
Et de là est né L’Entr2Mondes.


Le Maroc : le feu et la route

Avant le Tarn, il y avait le Maroc.
La lumière du désert, les sound systems dans la poussière, les djellabas dansantes, les nuits électrisées.
Là-bas, j’ai redécouvert le sens du mot essentiel.
Créer avec peu, mais créer vrai.
C’est aussi là que j’ai commencé à comprendre mon rapport au sacré — pas celui des dogmes, mais celui du vivant.
Le feu, le son, la vibration, le souffle.
Tout ce que je transmets aujourd’hui dans mes conférences, dans ma musique, dans ma façon d’enseigner.

Quand je suis revenu en France, j’ai partagé ce vécu à travers des conférences à Aurillac.
L’accueil a été incroyable.
Les gens comprenaient ce que je racontais : la traversée du vide, la reconstruction, l’art comme alchimie.
Et puis, doucement, le vieil instinct est revenu : celui de sauver.
J’ai arrêté les conférences. J’ai replongé dans la matière, dans la gestion, dans les murs.


L’Entr2Mondes : le rêve matérialisé

L’Entr2Mondes est né de cette tension entre le spirituel et le structurel.
Un lieu pour rassembler, créer, expérimenter.
Mais à force d’en faire un refuge pour tout le monde, j’en ai fait une prison pour moi-même.
Les charges, les copropriétés, les discussions institutionnelles, les conflits de voisinage :
tout ce que j’avais fui sur la route, j’ai fini par le reconstruire autour de moi.

Le lieu était censé me libérer.
Il m’a rappelé que la liberté ne dépend pas des murs, mais de l’état intérieur.


L’Entr2 : le flux, pas les murs

Alors je ne quitte pas tout.
Je sépare les formes.
L’Entr2Mondes, le lieu, va continuer à vivre avec le collectif.
Mais L’Entr2, l’association, reste mon socle : le flux, le mouvement, la vision.

Je veux rester le planteur de graines.
Celui qui passe, inspire, et repart.
Celui qui partage sans devoir tenir.
Je veux que le lieu respire sans moi.


Le bordel sacré de la rencontre

Et puis il y a eu cette rencontre.
Une femme, un miroir, un chaos créateur.
Nos feux se sont croisés pour brûler ce qu’il restait d’attachement.
De cette cendre, j’ai compris que l’amour vrai commence là où cesse la peur.

Dans ce tumulte, j’ai compris une chose essentielle :
je ne veux plus aimer depuis la peur de ne pas être aimé.
Je ne veux plus mériter, ni sauver, ni prouver.
Je veux aimer librement, et me laisser aimer sans condition.


Le doute comme passage

Aujourd’hui, je doute.
Mais c’est un doute paisible, fertile.
Celui qui précède la création.
Je sais ce que je veux :
vivre de mon art, de mon souffle, de ma musique,
sans me perdre dans la gestion des autres.

Je ne veux plus être le héros des structures,
je veux être le poète des passages.


Le feu circule encore

Je reste président de L’Entr2,
mais je me retire de la gestion du lieu.
Je descendrai pour créer, pas pour sauver.
Je rends les clés, pas la flamme.

Je rends le feu à la communauté,
et je reprends le mien pour voyager, chanter, transmettre.

Parce qu’il n’y a jamais eu de fin.
Seulement des métamorphoses.
Des murs qu’on dresse, des murs qu’on traverse,
et des flammes qu’on transmet pour que la lumière continue de circuler.


🜂 À suivre…

Je prépare mon retour sur scène, mes conférences, mes performances, mes créations en lignes et cette communauté de rêveurs qui me fait tant de bien , les livres que je ne termine pas depuis maintenant si longtemps, peut être même les dessins animés, écrire des films, des courts métrages ...
Des projets où le son, la parole et la présence se mêlent.
Des voyages, des créations, des partages. des choses déjà crées en 2025 et ces dernières années mais que je n'ai pu transmettre par manque de temps entre deux sauvetages qu'on ne m'avait au final, jamais demandés.

Je reprends la route intérieure,
et le feu revient.