• Nov 8, 2025

Les deux visages du vide : celui du survivant et celui du pervers narcissique

Les deux vides du monde : celui qui protège et celui qui dévore

On parle souvent du vide comme d’un manque.
Mais il n’est pas unique : il a deux visages.
L’un protège la vie, l’autre la consume.
L’un est né de trop d’amour, l’autre de son absence.
L’un appelle la guérison, l’autre la prédation.

Il y a le vide des âmes profondes, celles qui ont tout traversé.
Et le vide des âmes froides, celles qui n’ont encore rien vécu en profondeur.
Les deux se ressemblent parfois, mais ils n’ont ni la même origine, ni la même destinée.


1. Le vide du survivant : trop de vie pour un seul corps

Chez celles et ceux qui ont subi l’inceste, la trahison ou d’autres formes d’abus,
le vide n’est pas un manque, mais un trop-plein mis en veille.
Trop de douleur, trop de mémoire, trop d’intensité à contenir.

Alors, le psychisme a tiré le rideau.
Le corps s’est fermé, l’âme s’est mise à flotter ailleurs.
Ce vide n’est pas une absence, c’est une chambre de survie, un espace sacré où la conscience s’est retirée pour ne pas être détruite.

Mais ce refuge devient parfois une prison.
On s’y sent absent, éteint, coupé du monde.
Et alors monte le doute :

“Et si mon vide était mauvais ?”
“Et si j’étais devenu comme eux ?”

Ce doute est noble.
Il prouve que l’âme cherche la lumière.


2. Le basculement : quand le trop-plein crée le vide

Les âmes profondes portent souvent en elles des mémoires multiples.
Elles ont aimé, souffert, guéri, transmuté, parfois sur plusieurs vies.
Elles sont pleines de sensations, d’émotions, de savoirs enfouis.

Et ce trop-plein, paradoxalement, finit par créer un vide.
À force de tout contenir, elles n’ont plus de place pour respirer.
Le vide devient alors un espace de décantation : une respiration spirituelle,
un passage nécessaire pour libérer ce qui a été trop longtemps retenu.

C’est un vide fertile.
Une trêve avant la renaissance.


3. Le vide du pervers narcissique : rien à l’intérieur

Chez le pervers narcissique, le vide n’est pas un trop-plein, mais un non-lieu intérieur.
Une absence de substance, de densité, de mémoire émotionnelle.
Il n’a pas été brisé, il n’a jamais été habité.

Souvent, il s’agit d’une âme jeune, pas encore façonnée par la profondeur du lien.
Il ne connaît ni la tendresse, ni la responsabilité, ni la gratitude.
Il existe à travers les autres, parce qu’en lui, il n’y a pas de centre.

Alors, il vampirise :
l’attention, l’admiration, la peur, la dévotion.
Tout ce qui peut le faire exister.

Mais ce vide-là n’a rien de sacré.
C’est un trou noir, une faille qui ne crée rien, qui avale simplement ce qu’elle touche.
Et le plus tragique, c’est que celui qui vit dans ce vide ne sait même pas qu’il est vide.

Il croit que le monde entier est comme lui.
Il croit que la profondeur est une illusion, une faiblesse, une mise en scène.
Il regarde les âmes sensibles et se dit :

“Elles jouent un rôle.”
“Personne ne ressent vraiment tout ça.”
“Tout le monde manipule.”

À ses yeux, le monde est plat.
Il ne nie pas seulement la profondeur des autres :
il nie l’existence même de l’âme.


4. Quand les deux vides se croisent

Le vide du survivant attire celui du pervers narcissique comme la mer attire le feu.
L’un cherche à guérir, l’autre cherche à s’alimenter.
L’un veut se remplir d’amour, l’autre veut se remplir tout court.

Au début, la fusion semble parfaite :
le survivant se sent enfin vu,
le narcissique se sent enfin vivant.
Mais très vite, le premier s’épuise,
et le second s’enfuit, à la recherche d’une autre source.

C’est la grande illusion du miroir :
l’amour n’existe que tant qu’il y a de quoi refléter.

Mais cette rencontre a un sens :
elle pousse l’âme blessée à choisir sa propre vie,
à comprendre que son vide n’est pas une malédiction,
mais une matrice d’évolution.


5. Deux vides, deux destins

  • Le vide du survivant est un vide plein, fait de mémoire, de feu et de lumière contenue.

  • Le vide du pervers narcissique est un vide creux, fait de refus, d’absence et de déni.

Le premier peut guérir, car son vide contient la vie.
Le second doit naître, car son vide n’a jamais contenu l’âme.

Et c’est là que se joue la différence :

Les âmes profondes doutent de leur chaleur parce qu’elles ont connu le froid.
Les âmes froides, elles, croient que la chaleur n’existe pas.


6. Le retour à soi

Le vide du survivant n’est pas un gouffre : c’est un passage.
Un espace entre deux respirations du monde.
Quand on s’y assoit sans fuir, quand on le regarde sans peur,
il devient le lieu du retour à soi.

Car ce vide n’était pas vide du tout.
Il contenait simplement tout ce que le monde n’a pas su voir en toi.
Et quand tu le comprends,
tu cesses d’avoir peur du vide
tu apprends à l’habiter.

C’est à ce moment-là que la vie recommence.